L'IA, un outil pour réduire les inégalités scolaires, selon des expertes

L'intelligence artificielle (IA) offre un potentiel immense pour transformer l'éducation, mais son adoption nécessite une approche réfléchie et équitable, selon trois chercheuses. Dans une tribune publiée dans Le Monde, Mathilde Cerioli, Teddy Nalubega et Nagla Rizk soulignent que l'IA peut réduire les inégalités d'accès au savoir, à condition d'investir dans des infrastructures publiques et de promouvoir l'apprentissage collectif. Elles mettent en garde contre une adoption non régulée qui risquerait d'aggraver les disparités existantes.

L'IA, une opportunité à double tranchant pour l'éducation

L'IA suscite des réactions contrastées dans le monde de l'éducation. Certains la considèrent comme une opportunité sans précédent pour améliorer l'accès au savoir et personnaliser l'apprentissage. D'autres craignent qu'elle ne creuse davantage les inégalités et qu'elle ne déshumanise l'enseignement. Pour les trois chercheuses, il est essentiel de concilier ces deux visions pour exploiter pleinement le potentiel de l'IA.

Partout dans le monde, l'IA nous invite à repenser les valeurs fondamentales de l'éducation. La connexion à l'autre, l'attention, la curiosité, la pensée critique et le respect des cultures locales sont autant d'éléments essentiels à préserver dans un contexte de transformation numérique rapide. Dans les pays du Sud, l'IA représente une occasion unique d'accélérer l'accès aux connaissances, à condition qu'elle soit conçue et gérée de manière éthique et responsable.

Accélérer l'accès au savoir tout en préservant l'esprit critique

L'école du XXIe siècle doit relever un double défi : accélérer l'accès au savoir et préserver la formation de l'esprit critique. L'IA peut jouer un rôle crucial dans cette équation. Elle facilite l'accès à l'information, accélère la production de contenus et permet une personnalisation de l'apprentissage adaptée au niveau et au profil de chaque élève.

Dans les pays du Sud, l'IA pourrait pallier le manque d'enseignants et soutenir les classes surchargées. En apportant un appui personnalisé aux professeurs, elle peut contribuer à améliorer la qualité de l'enseignement, à condition de s'adapter aux contextes locaux, de disposer d'infrastructures adéquates et d'impliquer les communautés.

Des résultats prometteurs dans les pays du Sud

Des programmes pilotes menés en Inde, au Malawi et au Nigeria ont montré des progrès d'apprentissage significatifs en quelques semaines ou mois grâce à l'IA. En Égypte, des chercheurs ont développé des systèmes de tutorat basés sur l'IA pour aider les enseignants à enseigner les mathématiques en arabe aux filles des écoles communautaires défavorisées, situées dans des zones reculées.

Ces programmes de tutorat ont un impact particulièrement positif sur les filles, qui parviennent à combler l'écart initialement constaté avec les garçons. Ainsi, une IA bien maîtrisée peut devenir un puissant levier pour réduire les inégalités entre les milieux socioculturels et les genres.

Un accès équitable, enjeu majeur

L'adoption individuelle de l'IA explose, avec un recours massif au tutorat scolaire et un marché de l'edtech en pleine expansion, ciblant aussi bien les familles que les institutions. Le défi n'est plus de prouver le potentiel de l'IA, mais d'organiser un accès régulier et équitable à cette technologie.

Infrastructures publiques, première condition

Pour garantir un accès universel à l'IA dans l'éducation, il est impératif de mettre en place des infrastructures publiques adéquates. Faute de quoi, les élèves qui n'ont pas accès à l'électricité ou aux appareils numériques seront doublement pénalisés. L'investissement dans ces infrastructures est donc une priorité absolue.

Apprentissage collectif, seconde condition

Outre les infrastructures, il est essentiel de promouvoir les pratiques d'apprentissage collectif pour assurer la socialisation des élèves. L'IA ne doit pas se substituer aux interactions humaines, mais plutôt les compléter. L'apprentissage en groupe favorise le développement de compétences sociales essentielles, telles que la collaboration, la communication et l'esprit critique.

L'IA, un outil au service de l'humain

L'IA représente un formidable outil pour transformer l'éducation, mais elle ne doit pas être considérée comme une fin en soi. Elle doit rester au service de l'humain, en favorisant l'épanouissement des élèves et en développant leur esprit critique. Pour cela, il est essentiel de mettre en place une gouvernance éthique et responsable de l'IA dans l'éducation.

Éviter une fracture numérique accrue

Le risque majeur est de voir l'IA creuser davantage les inégalités existantes. Si l'accès à cette technologie reste limité aux populations les plus favorisées, la fracture numérique ne fera que s'aggraver. Il est donc crucial de veiller à ce que l'IA bénéficie à tous les élèves, quel que soit leur origine sociale ou leur lieu de résidence.

Former les enseignants à l'IA

La formation des enseignants à l'IA est un enjeu crucial. Les professeurs doivent être en mesure d'utiliser efficacement les outils basés sur l'IA, mais aussi de développer leur esprit critique face à cette technologie. Ils doivent également être capables d'accompagner les élèves dans leur apprentissage et de les aider à développer leur propre esprit critique.

Un débat public nécessaire

L'avenir de l'IA dans l'éducation doit faire l'objet d'un débat public. Il est essentiel d'impliquer tous les acteurs concernés, tels que les enseignants, les élèves, les parents, les chercheurs et les décideurs politiques, afin de définir une vision commune et de mettre en place une stratégie cohérente. Ce débat doit porter sur les enjeux éthiques, sociaux et économiques de l'IA dans l'éducation.

L'IA, un catalyseur de l'innovation pédagogique

L'IA peut être un puissant catalyseur de l'innovation pédagogique. Elle peut permettre de développer de nouvelles méthodes d'enseignement, plus personnalisées et plus interactives. Elle peut également faciliter l'évaluation des acquis des élèves et permettre aux enseignants de mieux adapter leur enseignement aux besoins de chacun.

Vers une école plus inclusive grâce à l'IA ?

L'IA peut contribuer à rendre l'école plus inclusive, en permettant de mieux prendre en compte les besoins spécifiques de chaque élève. Elle peut notamment aider les élèves en situation de handicap ou ceux qui ont des difficultés d'apprentissage. Elle peut également faciliter l'intégration des élèves issus de milieux défavorisés ou de cultures différentes.

L'IA, un outil à manier avec précaution

L'IA est un outil puissant, mais elle doit être maniée avec précaution. Il est essentiel de veiller à ce qu'elle ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux des élèves, tels que le droit à la vie privée, le droit à la liberté d'expression et le droit à l'égalité des chances. Il est également important de lutter contre les biais algorithmiques, qui peuvent conduire à des discriminations.

Un enjeu de souveraineté numérique

La question de l'IA dans l'éducation est également un enjeu de souveraineté numérique. Il est important de développer des solutions européennes, voire nationales, afin de ne pas dépendre des grandes entreprises américaines ou chinoises. Cela permettra de garantir le respect des valeurs européennes et de protéger les données personnelles des élèves.

L'IA, un défi pour l'avenir de l'éducation

L'IA représente un défi majeur pour l'avenir de l'éducation. Il est essentiel de se préparer dès aujourd'hui à cette transformation, en investissant dans les infrastructures, en formant les enseignants, en promouvant l'apprentissage collectif et en veillant à ce que l'IA bénéficie à tous les élèves. L'enjeu est de taille : il s'agit de construire une école plus juste, plus inclusive et plus performante, capable de préparer les jeunes générations aux défis du XXIe siècle.